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Tunisie: Remada, des images qui nous attristent

-La ville du sud tunisien vit depuis quelques jours une situation tendue marquée par des heurts entre militaires et jeunes en colère.

Nacer Talel  | 11.07.2020 - Mıse À Jour : 11.07.2020
Tunisie: Remada, des images qui nous attristent

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AA/Tunis

Remada, ville du sud tunisien, abrite la première légion de l’armée nationale de désert, chargée de la sécurisation de 35 000 km2, notamment de la frontière avec la Libye (280 km) et avec l’Algérie (310).

Cette légion est également chargée de faire face à toute intrusion dans cette zone, de la protection des individus et des établissements sensibles dont les sites pétroliers.

Venir en aide aux citoyens en temps de crise et le maintien de l’ordre sont d’autres tâches qui relèvent de cette légion qui s’est retrouvée, durant les dernières années post-révolution, accaparée par la lutte contre le flux croissant de contrebande.

Le 07 juillet, à 22h30, un appel téléphonique informe que Mansour, un jeune de 24 ans de Remada a été touché par un tir, dans le désert, à environ 37 km de la ville.

Son accompagnateur le ramène au check point de la garde nationale à 10 km de la ville.

Les pompiers arrivent quelques minutes plus tard, mais Mansour a déjà succombé à ses blessures.

Une fois transféré à l’hôpital régional de Remada, ses amis et proches commencent à se rassembler pour exprimer leur colère. Le corps sans vie a été ensuite transféré à l’hôpital régional de Tataouine pour autopsie.

Le lendemain, Mansour a été enterré. Des blindés de l’armée ont été déployés dans les principales artères de la ville. Chose qui n’a pas plu aux jeunes en colère qui ont commencé à jeter des pierres.

Dépourvus des moyens classiques de maintien de l’ordre tels que les canons d’eau ou les lance -lacrymogènes, les militaires se sont retrouvés forcés de patrouiller les artères de la ville à grande vitesse pour disperser les foules et éliminer les obstacles installés par ces jeunes qui ont préparé des cocktails Molotov.

Arrivés aux portes de la caserne, les jeunes en colère bombardent les soldats de pierres, ces derniers sortent munis de matraques pour disperser la foule et défendre leur caserne.

Les sages de la ville qui étaient parmi la foule, ont essayé de les calmer. Mais rien ne pouvait apaiser la colère et l’exaspération des jeunes.

La situation s’est calmée lentement. On en a profité pour aller visiter la famille de Mansour, son père, encore sous le choc, n’arrivait pas à articuler, c’est l’oncle qui nous raconte : "Mansour, n’était pas un contrebandier, il gagnait simplement sa vie en chargeant et déchargeant les camionnettes, un simple ouvrier…on s’est révolté en 2011 pour le travail, mais les jeunes n’ont rien trouvé".

" Nos jeunes étouffent, ils n’ont pas le choix ici, ils ne volent pas, ils préfèrent la contrebande, du thé ou du carburant, ils ne trafiquent pas des armes, s’ils (les miliaires) saisissent des armes , on ne peut qu’être dans leurs rangs et on les supportera, mais il s’agit juste de gagner sa vie , pourquoi ne pas tirer dans l’air ou viser les pieds ? Pourquoi tuer ?", déplore encore l’oncle de la victime.

De son côté, le ministère tunisien de la Défense avait fait savoir que "l’armée avait détecté dans la soirée du mardi 7 juillet, des mouvements suspects et quatre voitures ont pénétré la zone tampon frontalière en provenance du territoire libyen".

"Les forces armées ont agi conformément aux dispositions du décret républicain n° 230 de 2013, appelant à un usage progressif de la force avec des tirs en l’air pour les inciter à s’arrêter, toutefois, ces véhicules ont pris la fuite malgré les tirs ayant ciblé les roues”, a précisé le ministère dans son communiqué publié mercredi.

La situation était toujours tendue jeudi et vendredi, les militaires ont invité les sages pour discuter et apaiser les esprits.
La caserne a notamment décidé le retrait des forces militaires du centre de la ville et appelé les jeunes à faire preuve de maîtrise de soi.

A l'issue de la réunion, la population a insisté sur la nécessite de mettre en place un comité local composé des habitants de Remada pour trouver des solutions aux réels problèmes liées à cette zone tampon.

Parallèlement à la réunion, soldats et jeunes manifestants continuaient à échanger les jets de pierres, l’arrivée des journalistes, jugée tardive par les habitants, a encore agité les jeunes qui ont brûlé des dizaines de pneus dans des artères pas loin de la caserne, provoquant une fumée dense qui a noircit le ciel et la terre, donnant ainsi une image qui ne reflète plus la réalité de la situation.

Samedi matin, des milliers de personnes ont manifesté dans la ville, exigeant des excuses et appelant le président de la République à venir les voir.

En l’absence de solutions adéquates et adaptées aux spécificités des régions frontalières à l’instar de Remada dont la contrebande présente presque l’unique source de revenue pour les familles, les images de jeunes tués dans leurs camionnettes, les images d’enfants terrorisés par les blindés, et celles d’accrochages entre jeunes militaires et jeunes chômeurs, sous un soleil infernal ne peuvent que nous attrister tous.

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